Retrouver un de mes tableaux
Ce que je veux raconter trouve son expression dans les corps, regardez, dans les longues marches qui rendent aux corps le goût des aventures. Il y a des corps élus. Il y a… Mais on ne l’écoute pas. Il dit : Il y a aussi cette fraîcheur du matin qui enrobe la peau du seul habit qui vaille. Et l’on peut regarder le chemin que dessinent au hasard les départs que nous avons tous une fois au moins espérés. Les voyages. Les voyages. Ecoutez, écoutez : La pluie qui tombe doucement suffit à sauver cette échappée qui rend la vie encore et toujours désirable. Son corps à lui n’est plus qu’un tremblement, un long frisson. Il ferme ses yeux, fixe une image intérieure. Il s’avance encore et dit : Il y a le corps de cette femme qui n’est pas un corps au sens où vous l’entendez, mais qui est une fenêtre ouverte sur le monde. On ne le comprend pas. Il doit encore dire : on prononce un nom, prononcez-le, je veux sentir son goût sur mes lèvres, je veux par ce très léger mouvement des lèvres ramener à la vie une architecture de gestes anciens que la mémoire ne parvient pas à oublier. Rien n’est occulte, amis, rien n’est occulte. Rien n’échappe si l’on sent que le glissement même du goût d’un nom sur les lèvres peut être encore et toujours répété. Il leur dit : faites silence, arrêtez, le corps a ses lois, le corps a sa mémoire : c’est une fenêtre sur le monde. Il s’avance malgré tous ceux qui ne veulent pas entendre. Il dit : je viens de loin, de si loin : mon pays tient dans les caresses, il a le goût des citronniers, l’odeur de la mer qui insiste dans les jambes d’une femme et dans ses yeux. Un monde est là qui sauve le monde à chaque seconde. Alors sa parole s’épuise, devant les pierres qui brûlent, sur sa peau offerte à l’avenir, il s’avance, il ne va désormais plus cesser d’avancer. Une femme est là qui le regarde : ses gestes à lui obéissent à cette force qui nous contraint sans tyrannie : il avance, la saisit, éprouve la résistance du corps, cède, ne va plus faire autre chose que céder à cette force, bouge, apprend à reconnaître l’architecture des gestes anciens que l’on ne parvient plus à oublier, avance, la serre, et personne ne comprend, pose ses lèvres sur les lèvres d’une femme dont il prononce le nom dans le secret de son cœur, commence une danse, pose ses mains sur les épaules de cette femme dont il connaît le nom et que le sable, et la nuit, la musique des feuillages ont si souvent répétés, et la robe doucement tombe devant les yeux de ceux qui ne comprennent pas. Il dit encore : Ainsi faisons-nous l’amour. Dans l’ombre d’un secret que chacun peut approcher mais que la plupart tendent à occulter. Puisse la nuit devenir la réserve de la fraîcheur du matin qui enrobe la peau du seul habit qui vaille.