Face au motif
J'ai reçu un mail de mon ami Laurent Estoppey qui m'a titillé. Il me disait que l'on ne pouvait que me croire sur le fait que j'étais au Japon, mais qu'il se demandait si mes images n'aurait pas pu se faire en Suisse, simplement et je le sais, parce qu'il est vert de jalousie de me savoir si loin.
Mais au vu de mes premières peintures, son message m'a bousculé dans le bon sens du terme. J'étais trop sage, trop proche du motif, et la proximité ça n'est pas très bien pour être radical. Alors j'ai dessiné puis découpé des chablons de paysages - Fuji San et baie de Shimoda - et banzaï, gros pinceau et encre de chine sur tout ce qui se présente, journaux japonais, enveloppes, et certainement encore d'autres supports à découvrir. Je suis soulagé, car je commençais à trouver le temps long avant de saisir mes marques. C'est à dire faire des images de ce que je vois dans mon cerveau et pas dans mes yeux. Ouf, je suis sauvé, j'avais une certaine pression sur les épaules et une question lancinante: Et si je rentrais avec juste rien comme images. Et je dois avouer que cela aurait été une catastrophe, un échec, et je n'aime pas du tout les échecs. Partir si loin, et s'ennuyer autant de ma femme pour se planter, c'est moche. (Je m'ennuie aussi immensément de mes filles, et puis aussi de mes chiens et mon chat). Je dois avouer que j'ai par moments de grands gouffres de spleen, mais qui me donne en même temps cette énergie de peindre. Comme si je peignais finalement pour ne pas pleurer. Et je vous rassure, ces moments sont alors d'une intensité rare.