Les Montagnes Sainte-Victoires dorment depuis de nombreux jours sur ces tables. Je viens les voir tous les jours, et je leur mets une petite couche. Mon atelier est sous la cuisine du moulin. Cela influence certainement ma façon de travailler. Par moment, je ne sais plus où je fais de la cuisine, en haut ou en bas. Et si peindre c'était comme faire un bon plat. Arroser la viande pour qu'elle ne sèche pas, la regarder souvent pour la couver de toutes mes attentions. Faire un bon plat pour passer une bonne journée, faire une bonne image pour passer aussi une bonne journée. Faire des images douces, où la violence du monde est absente. Parce que c'est beaucoup plus difficile. Et encore Ben Jelloun :En ce moment, je sens de plus en plus le besoin de sortir de moi, sortir de ma malle, aller ailleurs, aller avec les autres, être avec les autres....
Sous le soleil d'Aix, ma vie change, doucement, je peinds et je dessine, comme toujours, je suis en train d'écrire ce bref texte, j'écoute la Callas - je n'ai jamais écouté la Callas avant aujourd'hui - j'entends les rebonds de la balle de ping-pong et les cris des enfants organisant des tournois, je sais que ma femme lit au bord de la piscine, que les chiens sont vers elle, que des amis vont passer nous voir, que nous parlerons fort autour d'une grande table ou ma femme et moi amèneront grillades et salades. Que les enfants et leurs amis riront avec nous. Et la Callas qui chante au delà du bien... Je pense à mon fils resté en Suisse. Je croyais avoir de la sueur sur mon visage. Ce sont des larmes. Le bonheur. Et l'inévitable poil de tristesse lié à l'absence.